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20 mai 2010 4 20 /05 /mai /2010 13:22

L’ex-ministre parle de la fraude à l’ENA : . Ce qu’il dit de ses 10 ans passés à tête de la Fonction publique

 

Monsieur le ministre, comment on se sent après 10 ans de service au gouvernement et qu’on soit obligé d’en sortir, comme c’est votre cas ?

  Je vous remercie pour l’occasion que vous me donnez de m’exprimer de façon publique après ma sortie du gouvernement. Dans les premiers moments, je ne savais pas trop que faire et il fallait que je me réorganise. Avec le temps, les choses se mettent en place petit à petit. Comme vous le savez, j’ai un mandat de député. Récemment, je suis allé à l’Assemblée nationale pour marquer mon retour. Je suis également président du conseil général de Guiglo, et la passation des charges a été faite, depuis le 11 avril passé. Je suis citoyen comme tout le monde. Je n’étais pas ministre avant. Donc, en devenant ministre, je savais qu’un jour ou l’autre je partirai de là. Je ne vis pas mon départ du gouvernement comme un mal. C’est dans l’ordre des choses. J’aurais pu partir bien avant mais c’est après 10 ans de fonction. Je dis à tous mes amis que c’est une grâce que d’être resté aussi longtemps au gouvernement. Je souligne que je n’ai pas changé de poste depuis. J’ai eu le temps d’échanger avec le président de la République et je pars en ayant en mémoire qu’il a toujours une grande confiance en moi. Donc, je ne saurai vous décrire aucun autre sentiment, sinon que je me retrouve avec moi-même, avec beaucoup plus de liberté que par le passé. Je suis moins stressé que pendant le temps où j’étais aux affaires.

 Mais, la manière quelque peu cavalière avec laquelle vous êtes parti, ne sonne-t-elle pas comme une sorte d’échec vers la fin de votre mission ?

  Je ne sais pas ce que vous appelez la manière cavalière. Moi, je ne vois rien de cavalier. Il y a eu la formation d’un gouvernement. Je n’ai pas été retenu dans ce nouveau gouvernement. C’est dans l’ordre des choses. Ce n’est pas la première fois que ça arrive. Pour d’autres camarades, qui étaient également ministres, c’est arrivé. Ils étaient là, ils ont fait un certain temps et ils sont partis. Non, il n’y a rien de cavalier. Monsieur le ministre, dans la matinée avant la dissolution du gouvernement, on a vu le chef de l’Etat vous faire des reproches publiquement... C’était à l’occasion du 48ème anniversaire de l’Ecole nationale d’administration (ENA). Le chef de l’Etat a fait des observations sur la question de la fraude à l’ENA. Mais, il ne m’a pas accusé d’avoir fraudé. Il a dit qu’il fallait tout faire pour arrêter cette fraude. On ne peut pas dire que parce qu’il y a des voleurs dans la ville, c’est le préfet qui est le chef. On dira plutôt au préfet de prendre des dispositions utiles faire échec aux voleurs. Moi je peux vous dire dans quel contexte le président en a parlé. Le président était à l’ENA en 2001 et il n’y était plus reparti. Entre-temps, il y a eu cette effervescence au niveau de la fraude aux concours. Cela fait plus de deux ans qu’on a mis en place tout un dispositif, avec au centre le comité de lutte contre la fraude. Vous observerez que l’on parle moins aujourd’hui de la fraude, mais il était difficile que passant à l’ENA, le président n’en parle pas. Il est normal aussi que le président s’adresse aux premiers responsables pour leur dire qu’on entend ça, et qu’ils doivent réagir. Il n’y a pas de lien entre le discours du président et mon départ du gouvernement, et je peux vous dire que le président m’a reçu après, à deux reprises, et m’a félicité pour le travail abattu. Je pense qu’il n’y a jamais eu de désaveu.

Avant mon arrivée, on parlait de réseau de fraude à l’ENA Des rumeurs persistantes disent que votre épouse est à la tête d’un vaste réseau de fraude pour l’entrée à l’Ecole nationale d’administration (ENA). Vous ne vous êtes jamais prononcé sur ces accusations. Pourquoi ?

 Où voulez-vous que je me prononce sur ce genre d’accusations infondées. Je pense que ceux qui le disent ont peur de dire que c’est moi-même. (Rires). C’est tellement plus facile d’accuser ma femme qui n’a aucune influence sur qui que ce soit. Qui connaît-elle à l’ENA pour faire réussir un candidat ? C’est moi qui nomme le directeur de l’ENA, donc c’est peut-être moi. Sur cette question, je suis à l’aise. Récemment, j’étais à la restitution des actes du colloque des anciens élèves de l’ENA qui m’avaient fait l’honneur de m’inviter. Nous sommes revenus sur cette question. Et voilà ce que j’ai dit aux journalistes sur les concours de l’ENA. Avant que j’y arrive, on parlait déjà des réseaux. Moi je suis arrivé, je n’ai pas vu de réseaux, ce qui ne veut pas dire qu’il y en n’a pas. La situation a tellement empiré que c’est devenu un problème qui a fait couler beaucoup d’encre dans les journaux. Et prenant les taureaux par les cornes, j’ai initié un certains nombre de réformes en disant ceci : je ne connais pas les auteurs, puisqu’ils ne se déclinent pas. Je ne sais pas qui achète et je ne sais pas qui vend. Cela est le travail de la police. Parce que si on les connaissait, il y a longtemps qu’on les aurait pris avant même que je n’arrive. Donc, j’ai dit au moment où j’ai engagé les actions de la lutte contre la fraude, il y a un peu plus de deux ans, que ce que moi je peux faire, c’est ce que font toutes les administrations et tous les hommes politiques. S’il y a des criminels dans la cité, on organise la police, on renforce ses moyens en vue de faire échouer les criminels. Donc, j’ai engagé au niveau de l’ENA une série de réformes des concours. J’ai mis en place un comité de lutte contre la fraude chargé de suivre tous les concours, à partir de l’inscription jusqu’à la proclamation des résultats. Je ne sais pas ce que j’aurais pu faire d’autre. J’ai dit à cette occasion que celui qui veut payer pour réussir à un concours de l’ENA, ne fait pas une annonce dans un journal. Nous ne savons rien de cette transaction qui ne se passe pas devant nous. Nous ne l’apprenons que dans les cas d’échec. Et j’ai dit qu’en attendant qu’on vienne m’en montrer, moi ce que je sais, je vais mettre des verrous, si vous payez pour réussir au concours, si vous réussissez à passer mes verrous, c’est qu’en vérité, vous avez mal fait de payer. Mais si vous payez et que vous n’avez pas le niveau, ça m’étonnerait que vous réussissiez, et c’est là que j’attends les gens. Nous avons mis en place un comité de lutte contre la fraude. Au lieu de parler pour parler, j’ai demandé que les journalistes aillent rencontrer le comité de lutte contre la fraude. Nous travaillons depuis deux ans avec ce comité. Il comprend des agents du ministère de l’Intérieur, de la Justice, des représentants de la Ligue des droits de l’homme, des représentants de la FESCI (Ndlr : Fédération estudiantine de Côte d’Ivoire). Donc c’est un comité composé où on ne peut pas tricher. J’ai invité les journalistes à aller faire des investigations. Au lieu de cela, ils disent que le ministre, après son départ, avoue qu’on paye les concours à l’ENA. Je dis non. Je suis vraiment déçu. Je m’attendais à les voir dire après mes déclarations, nous sommes allés rencontrer le comité de lutte contre la fraude, voilà ce qu’il nous a dit, voilà ce que nous avons découvert, au lieu d’accuser des gens et de faire des accusations gratuites sur des personnes qui n’ayant rien à voir avec les concours, et qui ne savent même pas comment on les organise, ne connaissent même pas ceux qui organisent ces concours. Au lieu d’écrire des accusations sans fondement, il vaut mieux pour ces journalistes aller à la source. Ils rendraient service à eux-mêmes, à la Côte d’Ivoire et à tous ceux qui se font gruger par des escrocs, pensant réussir facilement à leur examen. En dehors de salir des gens, les gens ne sont pas intéressés de savoir où est la vérité. Si moi je les connaissais, il y a longtemps qu’ils seraient en prison. 

Pourtant, il se dit que c’est la découverte de ces réseaux qui vous a coûté votre poste au gouvernement ? 

Je vous l’ai dit, s’il y a réseaux, ils existaient bien avant mon arrivée. Je crois que ce sont des raccourcis que les gens empruntent. J’ai dit aux journalistes, au lieu de vous satisfaire comme le commun des mortels qui n’a pas les moyens d’investiguer comme vous, qui n’a peut-être pas le niveau qu’il faut pour faire de bonnes investigations, vous, vous le faîtes, car c’est votre rôle de faire des investigations et des analyses pour éclairer l’opinion et même aider à la décision. Mais si les journalistes se contentent de relayer des "on dit", on restera loin de la vérité.

 Comment le comité chargé de démanteler les réseaux fonctionne pour ne pas pouvoir épingler autour des concours, ces personnes qui viennent proposer aux éventuels candidats leurs services ?

 Moi je voudrais, comme je l’ai dit aux autres journalistes, vous renvoyer aux membres du comité de lutte contre la fraude. Ils sont mieux placés que moi pour vous dire comment ils travaillent. Vous avez dit comment ils font pour ne pas épingler les gens qui sont autour des lieux de concours. Je voudrais vous rappeler qu’ils ne sont pas des policiers. 

Vous venez de dire que le ministère de l’Intérieur fait partie du comité ?

 Le ministère de l’Intérieur envoie des représentants dans le comité. On a fait appel à la police au moment des inscriptions pour faire des enquêtes autour de l’ENA, ce n’est pas facile ni évident de mettre la main sur eux, car ces derniers doivent savoir à qui s’adresser. On n’a pas pu en épingler de façon officielle. Quand on parle de la fraude, les gens ne savent pas sous quelle forme la fraude en question se présente car il y a plusieurs types de fraude. Même pour l’établissement des documents de candidatures, il y a des fraudes. Il y a deux ans, on a dû annuler l’inscription de près de 500 personnes. Ce n’était pas leur faute, mais ce n’était la nôtre non plus. Ils avaient fait établir de faux certificats de visite médicale. Une autre fraude que nous avons identifiée, c’est le mercenariat. Des candidats font composer à leur place des personnes munis de faux papiers. Nous avons trouvé la solution à ce type de fraude. La formule est d’informatiser l’inscription avec la photo du candidat, qui va le suivre dans toute sa vie de fonctionnaire. Et ça nous a permis d’éliminer ce type de fraude. Donc c’est un réseau de moins. Si je suis resté si longtemps au gouvernement, c’est parce que j’ai dû donner satisfaction au président Professeur, vous avez participé à tous les gouvernements depuis la transition jusqu’au gouvernement Soro 1.

 Comment expliquez-vous cette endurance au sein de l’équipe gouvernementale ?

 Chaque fois qu’on me pose cette question, je dis que ce n’est pas à moi de répondre. C’est au président de la République. C’est lui qui nomme en fonction des critères que lui seul connaît. C’est lui qui apprécie et décide de faire partir du gouvernement un membre. Si je suis resté 10 ans, je pense que c’est parce que j’ai dû lui donner satisfaction. Un joueur qui ne donne pas satisfaction ne peut pas rester constamment dans son équipe alors qu’il la fait perdre.

 Après 10 ans au gouvernement, vous sentez-vous encore utile à servir dans un autre gouvernement ? 

Je crois qu’il n’y a pas que dans le gouvernement qu’on peut servir. J’ai passé dix ans, dix années pleines. Quand je dis pleines, vous voyez bien ce que je veux dire que je n’ai pas eu de repos dans ce ministère. J’ai engagé des reformes qu’on a suivies, j’ai dû gérer des grèves. Vous voyez bien que ce n’a pas été des années faciles. Si on me demande de recommencer, je suis un soldat au service de mon parti, et donc je reprendrai du service. Mais si on me demande aussi de tenter une autre expérience ailleurs, je pense que ce serait une bonne chose. 

A quoi est-ce que vous serez utile encore ?

 Moi je peux servir partout. Je suis député, donc je vais déjà servir mon pays et mon parti comme député. Je suis également président du conseil général de Guiglo, donc je servirai au plan local à initier des projets de développement au profit des populations de Guiglo. .

 Vous êtes également professeur. Peut-on vous retrouver encore avec la craie ?

 Oui, je suis également professeur, donc il n’est pas exclu que dans un temps que je déterminerai, je retourne vers mes étudiants.

 Si on vous appelle dans un gouvernement, préféreriez-vous encore la Fonction publique ou un autre portefeuille ?

 Si le président continuait de m’accorder sa confiance jusqu’aux élections et après les élections, je lui aurais demandé de me changer de poste, parce qu’après 10 années à ce poste là... je peux faire d’autres expériences ailleurs. 

A quoi pensez-vous quand vous demandez qu’on vous remplace à la Fonction publique ?

 Ce n’est pas un poste de tout repos, et ça tout le monde le sait. J’en ai fait l’expérience. J’avoue que j’aime bien le contact, le combat. Mais à un moment donné, on a besoin de faire autre chose, de voir si on peut se faire valoir ailleurs dans d’autres domaines. Par exemple au ministère de l’enseignement supérieur, de la justice ou de l’intérieur, partout.

 Quel bilan faites-vous de votre décennie à la Fonction publique ? 

Ce n’est pas à moi de faire ce bilan, mais si on me demande de le faire, je peux vous dire que c’est un bilan globalement positif. Au moment où je pars, toute la Fonction publique bénéficie d’au moins 95% de réforme au plan salarial, indemnitaire et statutaire. Au niveau de la carrière des agents de l’Etat et des fonctionnaires, nous avons mis fin à la retraite après 30 années de service, nous avons procédé à l’extension de l’âge limite de retraite à 57 ans. Du côté du recrutement des fonctionnaires, c’est près de 100.000 fonctionnaires que nous avons intégrés sur la période qui va de 2000 à 2010, malgré la crise. Nous avons commencé la reforme sur le code du travail. Nous avons initié un grand projet sur l’emploi qu’on appelle le Prodige, qui est une opération pilote pour l’instant. Mais mieux, nous étions en train de préparer la stratégie nationale pour l’emploi avec la Banque mondiale. Bref, nous avons apporté, comme nous l’avons pu, dans le contexte qu’on connaît, une petite pierre à l’édifice de la Fonction publique et du travail. Je sais qu’il y a encore beaucoup à faire. Notre objectif n’était pas seulement une amélioration statutaire et salariale. C’est la modernisation de la Fonction publique, la remotivation des travailleurs du secteur privé que nous visions et nous avons fait quelques pas positifs ; c’est ce qui nous satisfait. Maintenant, il est évident qu’il y a mon appréciation, celle des syndicats, celle du président et du Premier ministre, mais personnellement je pense que nous avons apporté notre modeste pierre à l’édifice du monde du travail.

 N’empêche, les fonctionnaires ivoiriens s’agitent beaucoup. Ces derniers temps on a assisté à de nombreuses grèves. Comment expliquez-vous ces mouvements répétés d’humeur ?

 La remarque est juste. Il y a aujourd’hui plus de mouvements de grève dans le secteur public que dans le secteur privé. J’ajoute même que nous avons signé, le 1er mai de l’année 2009, un pacte de stabilité pour la relance de notre économie avec les centrales syndicales pour le secteur privé. Ce pacte institue une trêve sociale de 3 ans dans le monde du travail. Nous n’avons pas pu intégrer à ce pacte, ni signer avec le secteur public un pacte identique. Mais c’était un de mes objectifs. C’est vrai qu’aujourd’hui, les syndicats du secteur public continuent de s’agiter, de revendiquer. C’est vrai que c’est le rôle d’un syndicat que de toujours revendiquer. Mais je pense que les syndicats ne doivent pas faire fi du contexte de crise dans lequel nous sommes. Les syndicats ont obtenu beaucoup sous l’ère du président Gbagbo, en termes d’amélioration des conditions de vie et de travail. Il est clair qu’avec l’atteinte du point d’achèvement du PPTE, le Président pourra encore faire beaucoup. Logiquement nous étions en droit d’attendre des syndicats qu’ils calment le jeu et qu’ils aident le gouvernement à sortir de la crise et même à atteindre le point d’achèvement qui va permettre de leur apporter des réponses positives sans crainte pour l’avenir. Or ce n’est pas le cas. C’est vraiment dommage, je pense qu’il faut que les syndicats comprennent qu’ils doivent mettre balle à terre et que tous nous fassions des sacrifices pour sortir notre pays de l’impasse.

Sous le président Gbagbo, chacun veut obtenir ce qu’il n’a pas pu revendiquer sous le PDCI Vous est-il arrivé de vous poser des questions sur la floraison des syndicats et autres collectifs de revendications dans les milieux de l’éducation, la santé... ? 

Je pense que si nous faisons un retour en arrière dans notre histoire, si on se positionne historiquement, on peut apporter une première réponse. Sous l’égide du parti unique, il n’y avait que l’UGTCI, il n’y avait pas d’autres syndicats. Avec la victoire du multipartisme obtenue en 1990, le FPI et les partis de gauche ont ouvert la voie au pluralisme, pas seulement politique, mais également syndical. Donc nous assistons à cette floraison du fait que la vie sociopolitique a évolué fondamentalement à partir de 1990. Mais je crois qu’on n’aurait pas tout dit si on ne prenait pas en considération le fait qu’en octobre 2000, est arrivé au pouvoir, un socialiste, le président Laurent Gbagbo. Et qui dit socialiste, dit homme d’ouverture, de démocratie et de liberté. Cela a été un facteur de démultiplication et ce d’autant plus qu’on était assuré de ne pas aller en prison en créant un syndicat, ou en menant des grèves. Et d’ailleurs, jusqu’à ce jour, aucun syndicaliste n’est allé en prison pour fait de grève, alors que par le passé on a pu assister à cela. Je crois que c’est cela l’une des raisons essentielles de la floraison des syndicats. Aujourd’hui, il n’est pas dangereux de créer un syndicat, de lancer un mot d’ordre de grève et d’observer des arrêts de travail. On a même assisté à des dérives, notamment des grèves où des syndicalistes ont bastonné d’autres travailleurs qui ne voulaient pas suivre leur mouvement certains syndicats se sont livrés à des actes de vandalisme sur les édifices publics, parce qu’ils étaient mécontents, ce qui est loin d’être un fait de grève. On a vu tout cela. Mais cela n’a pas donné lieu à des sanctions de la part de l’Etat. 

On vous a vu, hier, avec les marches, les mouvements sociaux. Finalement, n’êtes-vous pas rattrapé par vos propres pratiques dans l’opposition pour amener la démocratie ? Ce n’est pas nous qui avons inventé le socialisme. Nous avons adhéré à des idéaux socialistes. La démocratie également, ce n’est pas nous qui l’avons inventée. Je crois que les pays occidentaux vivent dans des régimes démocratiques ; certains sont capitalistes et d’autres socialistes, et on n’observe pas dans tous ces pays de façon systématique les dérives auxquelles nous assistons chez nous. Bien entendu, il y a un pays qui nous sert toujours de modèle, la France, où il y a beaucoup de grèves. Mais la France n’est pas le seul pays démocratique et de liberté. Nous avons à côté de la France, un pays comme l’Allemagne où il n’y a pas beaucoup de grèves. Il y a d’autres explications à la situation que nous vivons. L’une des raisons est à chercher dans les conditions passées. Vous avez des travailleurs qui ont vécu pendant 40 ans dans un étouffement des libertés. Etouffement de liberté qui s’accompagne de conditions de vie et de travail difficiles. Alors avec l’arrivée du président Gbagbo, socialiste, ils se sont dit que le moment est venu de rattraper ce que nous n’avons pas pu faire. Et ça, nous le comprenons parfaitement car chacun veut profiter de l’occasion pour faire valoir ce qu’il n’a pas pu revendiquer sous le PDCI. C’est ce qui explique tous les débordements auxquels nous assistons. Mais évidement, nous sommes chargés de gérer un Etat ; un Etat à besoin d’ordre, un Etat à besoin de travail. Car moins on travaille, moins on produit ; moins on produit et moins on a de revenus à distribuer. Or nous, nous sommes un régime de justice sociale, c’est-à-dire de distribution de revenus. Donc si on ne travaille pas, comment pourrons-nous distribuer à ceux qui en on besoin ? C’est pour cela que nous pensons que les syndicalistes, qui selon nous sont aussi des responsables conscients des intérêts de la nation, peuvent ou doivent à un moment donné se saisir du contexte et ne pas agir comme de simples corporatistes. Pour la première fois, les Ivoiriens vivent des grèves de médecins qu’on annonce même parfois sauvages, avec des morts qu’on a enregistrés çà et là dans les quartiers.

 Comment avez-vous vécu tout cela de votre bureau de ministre ? 

Je l’ai vécu difficilement. D’autant plus que les 10 années que j’ai passées à la tête de ce ministère, cela est arrivé trois fois. Lorsque le ministre Mabri était à la santé, on a connu la première grève sauvage des médecins et des infirmiers, avec des morts. Le président était même sur le point de prendre une réquisition lorsqu’ils sont rentrés dans les rangs. Par la suite, cela c’est produit à deux reprises, et finalement beaucoup de personnes ont été amenées à douter des valeurs que nous défendions, notamment les valeurs de liberté et de pluralisme. Je crois qu’il ne faut pas prendre ce qui est l’exception pour la règle, ce qui est circonstanciel pour le constant. Nous sommes convaincus que ce ne sont là que des manifestations liées à un contexte particulier. Que ce sont là des dérives qui sont liées à une mauvaise analyse du contexte par certains dirigeants syndicaux. Je pense aussi que c’est lié à un problème de formation des syndicats. Tout ceci mis ensemble dans un contexte ou l’on pense que l’Etat est affaibli et qu’on peut obtenir beaucoup. Ce qui d’ailleurs n’est pas à leur honneur que de s’acharner sur un Etat affaibli au lieu de chercher à le relever. Tout ceci explique cette situation. Mais non seulement il faut les condamner, nous l’avons fait, nous avons même tiré des conséquences en termes de sanction. Je crois aussi qu’il y a une réflexion que l’Etat doit mener pour qu’à l’avenir, on puisse éviter de tomber dans de tels excès pénibles pour tout le monde, et qui hélas ont pour conséquence des pertes en vie humaine. Et ça on ne peut pas le tolérer. La liberté syndicale ne doit pas conduire à des pertes de vies humaines et surtout dans les domaines de la santé où il leur est interdit de faire des grèves sauvages, le service minimum étant requis. Il n’est pas normal que la conscience de certains syndicalistes les empêche d’ignorer tout cela.

Interview réalisée par Félix D.BONY Coll : Check KONE (Stg)

 

 

Source : L'inter
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